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De la décharge au podium: au Kenya, les vêtements de seconde main ont leur défilé de mode
information fournie par AFP 13/10/2025 à 10:26

Des mannequins présentent des tenues de créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des mannequins présentent des tenues de créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Dans une allée poussiéreuse du plus grand marché en plein air du Kenya, des mannequins défilent dans des tenues audacieuses fabriquées à partir de textiles collectés dans des décharges et de vêtements de seconde main n'ayant pas trouvé preneur.

Chaque année, des milliers de tonnes d'habits d'occasion en provenance d'Europe, des États-Unis et d'ailleurs arrivent dans le pays d'Afrique de l'Est, qui en 2023 a dépassé le Nigeria pour devenir le plus grand importateur africain de ce genre de marchandises, selon une étude du MIT (Massachusetts Institute of Technology).

Le créateur de mode Morgan Azedy fouille dans des piles de vêtements mis au rebut dans une décharge à Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le créateur de mode Morgan Azedy fouille dans des piles de vêtements mis au rebut dans une décharge à Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des milliers de ballots atterrissent donc dans l'immense marché Gikomba de Nairobi, aux toits couverts de tôle.

Un après-midi ensoleillé d'octobre, une importante foule s'y rassemble pour voir des mannequins défiler. Sur leurs corps, des pièces issues de ballots jusqu'ici jugés invendables ou immettables.

"Quoi ? Ils ont amélioré nos vêtements !", s'exclame un commerçant alors que les modèles glissent sur un podium en bois.

Le défilé de mode, Gikomba Runway Edition ("La piste de Gikomba"), le premier du genre, fait la part belle aux jeunes stylistes kényans, dont Morgan Azedy, un spécialiste du recyclage.

Le styliste Morgan Azedy présente avec un mannequin les tenues qu'il a créées à partir de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le styliste Morgan Azedy présente avec un mannequin les tenues qu'il a créées à partir de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le talent du designer s'exprime dans sa maison d'une seule pièce, où un ventilateur vrombit tandis qu'il fait tourner sa machine à coudre. "Je vois toujours la saleté de l'environnement autour de moi", explique le jeune homme de 25 ans, rencontré par l'AFP avant le défilé.

Sur le podium, sa collection "Kenyan Raw" ("Brut kényan") met en avant deux thèmes marquants : le streetwear en jean et un look gothique entièrement confectionné à partir de cuir recyclé provenant de décharges et de rejets de la fripe.

- "Pollution" -

En utilisant ces vêtements usagés, Morgan Azedy affirme vouloir "réduire la pollution".

Le créateur de mode Morgan Azedy et quelques-unes de ses créations fabriquées à partir de tissus récupérés sur des marchés de vêtements d'occasion et des décharges, dans son atelier de Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le créateur de mode Morgan Azedy et quelques-unes de ses créations fabriquées à partir de tissus récupérés sur des marchés de vêtements d'occasion et des décharges, dans son atelier de Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

L'industrie mondiale de la mode est particulièrement nocive pour la planète, représentant jusqu'à 10% des émissions de gaz à effet de serre, selon la Banque mondiale.

Alors que le Kenya a importé environ 197.000 tonnes de vêtements d'occasion en 2023, d'une valeur de 298 millions de dollars (256 millions d'euros), selon l'étude du MIT, l'Environment for development (EfD), un centre de recherche, estime que plus de 30% de ces textiles sont inutilisables et finissent directement dans les décharges, aggravant le problème de pollution du pays.

Des mannequins portent les créations du styliste Morgan Azedy, avatnt un défilé de créateurs spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, le 9 octobre 2025 à Nairobi, au Kenya  ( AFP / Tony KARUMBA )

Des mannequins portent les créations du styliste Morgan Azedy, avatnt un défilé de créateurs spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, le 9 octobre 2025 à Nairobi, au Kenya  ( AFP / Tony KARUMBA )

La plupart des vêtements modernes sont fabriqués à partir de matériaux synthétiques comme le nylon et le polyester, qui sont essentiellement du plastique. Ils ne sont donc pas biodégradables. Et leur volume augmente toujours plus, parmi les autres déchets au Kenya.

Olwande Akoth, une styliste exposant ses pièces recyclées de kimonos, vendait autrefois ces vêtements d'occasion. Mais elle s'est découragée. "C'est juste des ordures", soupire-t-elle.

Le créateur de mode Morgan Azedy fouille dans des piles de vêtements mis au rebut dans une décharge à Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le créateur de mode Morgan Azedy fouille dans des piles de vêtements mis au rebut dans une décharge à Nairobi, le 6 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

L'Afrique de l'Est importe environ un huitième des habits de seconde main du monde, fournissant des emplois à environ 355.000 personnes, selon une étude réalisée en 2017 par l'agence d'aide du gouvernement américain, USAID, démantelée cette année par l'administration Trump.

Une bénédiction pour les ménages les plus pauvres, qui trouvent ainsi des vêtements très peu chers. Mais en contrepartie, l'industrie textile locale se retrouve face à une concurrence aux prix inégalables.

- "Originalité" -

Des pays comme le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda ont donc cherché à restreindre ces importations. Mais ils se sont heurtés à l'AGOA, un accord commercial entre Washington et le continent africain permettant en retour d'exporter certains produits "made in Africa" aux États-Unis sans droits de douane.

Des mannequins présentent des tenues de créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des mannequins présentent des tenues de créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements mis au rebut, lors du défilé de mode Gikomba Runway Edition à Nairobi, le 10 octobre 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

En 2016, la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), dont ces pays font partie, a pensé interdire les vêtements de seconde main, mais a reculé face aux craintes de perdre l'accès privilégié au marché américain.

L'AGOA a expiré fin septembre. Son renouvellement par l'administration du président américain Donald Trump reste très incertain.

Pour l'œil créatif de Morgan Azedy, les inconvénients des accords commerciaux, ces montagnes de vêtements s'accumulant dans des décharges, constituent toutefois un trésor. D'autant qu'acheter du tissu neuf est simplement "trop cher", dit-il.

Une mannequin présente une création du styliste Morgan Azedy lors d'un défilé de mode organisé par des créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements usagés récupérés sur des marchés d'occasion et des décharges, le 10 octobre 2025 à Nairobi, au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Une mannequin présente une création du styliste Morgan Azedy lors d'un défilé de mode organisé par des créateurs locaux spécialisés dans le recyclage de tissus et de vêtements usagés récupérés sur des marchés d'occasion et des décharges, le 10 octobre 2025 à Nairobi, au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Entre ses mains, un pantalon en jean surdimensionné a été transformé en une veste à étages et à volants associée à un pantalon évasé et des chaussures à plateforme.

Un souci d'"originalité" qui lui a permis de présenter sa collection à la Fashion Week de Berlin l'année dernière.

Après avoir habillé plusieurs musiciens régionaux, Morgan Azedy rêve désormais encore plus grand : il veut emmener ce que d'autres considèrent comme des déchets textiles aux grands messes de la mode de Paris et New York.

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